Est-ce que ça vaut vraiment le coût ?
Depuis quelques années, nous constatons l’apparition de Guru et de Red Bull gratuitement offerte aux membres dans plusieurs associations étudiantes. Pour rappel, Guru brasserait en 2020 une vingtaine de millions de dollars en chiffre d’affaires¹ et environs 6 milliards d’euro pour Red Bull la même année selon leur site internet². Donc, pourquoi un géant commercial tel que Red Bull offre-t-il gratuitement des boissons énergisantes aux étudiant-e-s ?
La réponse est simple, Guru et Red Bull cherchent à trouver de nouveaux consommateurs dans une clientèle cible que sont les étudiant-e-s. Selon une étude menée par une étudiante de l’Université de Sherbrooke, la stratégie de vente des boissons énergisantes auprès des étudiant-e-s est basée « en grande partie sur la culture des jeunes en utilisant notamment des thèmes liés à la rébellion, l’aventure et le risque »³. En fait, la consommation de boisson énergisante « est promue sans égard à l’âge et à l’état de santé du consommateur (…). La publicité banalise une utilisation fréquente et à volonté de substances stimulantes »⁴.
Malheureusement, les associations étudiantes sans le savoir, fond la promotion des boissons énergisantes, mais aussi fidélise leur clientèle presque gratuitement.
De plus, par de telles pratiques, les associations étudiantes québécoises permettent aux entreprises de boissons énergisantes de se réapproprier la culture militante à des fins lucratives. Soyons clair-e-s, il y a une grande différence entre acheter des produits afin d’offrir un service aux membres et faire la promotion délibérée d’un produit pour obtenir des produits gratuits. Dans le premier cas, les associations étudiantes n’existent pas en dehors de la société capitaliste et n’ont donc pas le choix d’acheter des produits sur le marché pour offrir des services à leurs membres. Dans le second, les associations étudiantes font un choix délibéré, conscient et subjectif de mettre de l’avant un produit aux profits d’une entreprise.
Les associations étudiantes distribuent des boissons sans limitation et avertissement sur les risques pour la santé et encouragent des entreprises privées alors que ces mêmes associations luttent pour des causes anticapitalistes telles qu’empêcher le désinvestissement dans le système d’éducation ainsi que la marchandisation de l’éducation ou pour l’amélioration des conditions des stages et bien d’autres.
Il est certes vrai que l’offre de ces boissons est très appréciée par les étudiant-e-s et, lorsque nous sommes un consommateur régulier, il est avantageux pour notre portefeuille d’en avoir quelques gratuites.
Toutefois, en tant qu’association étudiante, il faut se questionner sur la façon dont nous pouvons réellement aider nos membres sans faire preuve d’incohérence avec nos valeurs. Il faut aussi se poser la question du précédent qui peut être laissé par des partenariats avec des entreprises privées. En effet, cela pourrait ouvrir la porte à la remise en question d’autres valeurs associatives qui ont de l’influence sur les luttes étudiantes en elle-même. Il est aussi important pour les associations de ne pas baser leurs financements sur ces types de partenariat, car, si les intérêts des membres et ceux des entreprises divergent, le dilemme de perdre du financement au risque de devoir retirer des services aux membres versus respecter la nature même des associations qu’est de défendre les intérêts et droits des étudiant-e-s s’imposera.
Des discussions en assemblée générale avec les étudiant-e-s sur cet enjeu semblent nécessaires dans les circonstances actuelles. Il faut aussi réaliser que les gains des publicités engendrés par les associations sont largement plus avantageux pour les compagnies que la valeur des boissons que donnent les associations étudiantes à leurs membres.
Finalement, est-ce que ta Guru ou ta Red Bull est si gratuite que ça ?
¹ Richard Dufour, « Entrée en bourse de Guru : Acheter ou ne pas acheter ? », La Presse, 5 octobre 2020, section Marchés.
² En dollars cela équivaut à 8,6 milliards.
³ Marianne Picard-Masson, « Portrait de la consommation des boissons énergisantes chez les étudiants de niveau collégial du Québec » (Mémoire, Université de Sherbrooke, 2014), p. 54.
⁴ Ibid.
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