Lorsque l’on s’intéresse aux différentes perspectives entourant art et politique, l’on va souvent se questionner à savoir si toutes les formes et toutes les expressions artistiques sont politiques, ou si elles sont tout simplement pertinentes politiquement dans un contexte donné pour des luttes données. Ces questions me semblent plutôt démontrer un autre problème. La difficulté de faire de la place, et à légitimer le recours à d’autres formes d’expression dans le milieu académique ou « scientifique ».
Comme si le seul moyen de s’exprimer dans ce milieu pour tenir un discours considéré comme pertinent, valide, rigoureux, et parfois tout simplement vrai, était de passer par l’entremise des codes imposés dans le milieu académique.
Or, justement, je crois que le problème est là ; non pas que les textes académiques ou scientifiques ne soient pas pertinents ou soient mauvais, mais davantage qu’ils sont restrictifs, ils ont un champ de possibilité circonscrit dans leurs propres codes. Cette potentialité est ce qui fait en sorte que ces moyens d’expression permettent de faire surgir certains éléments discursifs, tout en en oubliant certains. Ces « autres éléments » pourraient être mieux transmis par l’entremise d’autres formes d’expression, que ce soit par de la poésie, de la photographie, ou tout simplement des textes libres qui portent en eux des potentialités différentes.
Il y a une certaine fermeture d’esprit dans cette posture à considérer qu’un journal étudiant doive mettre de l’avant surtout — ou presque exclusivement — des textes académiques s’inscrivant dans une posture critique.
Cela risquant donc de faire, selon moi, plus de tort à cette discipline et aux personnes qui s’y inscrivent qu’autre chose. Ce n’est pas toute personne qui a la même capacité ou aisance à utiliser tous les modes d’expression, car il est évident que des acquis sont nécessaires pour maitriser les codes propres à chaque mode, et nous ne disposons pas toustes les mêmes.
Cela s’applique autant à la personne qui créé quelque chose et qui veut l’exprimer, ou qui tente d’exprimer par cet acte de création, qu’à celle qui par la suite en fera son interprétation. Certaines personnes vont être en mesure de s’exprimer de manière bien plus fidèle à ce qu’iels souhaitent à l’aide par exemple des modes que l’on considère comme artistiques, car les codes peuvent être plus proches de ce qu’iels maitrisent. Ces différentes potentialités s’appliquent aussi à l’effet que la personne qui crée tente de produire chez celle qui en tirera une interprétation.
Ces textes dits artistiques ne sont pas moins politiques qu’un texte qui se voudrait académique. Ce sont dans les deux cas des outils créateurs avec des portées différentes. Ces portées peuvent aussi permettre la diffusion des idées apportées dans un texte qui à la base semblent plus adaptées aux textes académiques qu’artistiques. Les écrits de Nietzsche par exemple, dans la vision de Deleuze, ont plus inspiré des artistes, parce que justement l’art aurait été plus adapté pour diffuser certains pans de sa pensée.
Une idée sur la relation art-politique est que l’art pourrait être évalué dans un cadre académique, dans notre cas, dans la science politique selon sa pertinence aux luttes actuelles. Un journal étudiant pourrait donc refuser un texte sur cette base.
L’idée de la pertinence politique me trouble un peu. Comment déterminer ce qui est pertinent ? Il y a aussi le fait que cet argument semble mobiliser une certaine idée de pertinence qui serait figée. Or, la pertinence de quelque chose se construit au fil du temps selon les différents contextes sociaux, historiques, etc. Dès lors, un élément considéré comme impertinent politiquement il y a 40 ans pourrait très bien l’être aujourd’hui. Tout comme un élément plus récent qui serait considéré par certaines personnes comme impertinent pourrait par la suite le devenir.
La pertinence politique semble bien plus être produite par les multiples interprétations et interactions que les individus en font. Ce mouvement constant, ou cette production et reproduction du discours, est justement ce qui crée la pertinence. Refuser certains modes d’expression revient à laisser la capacité du langage à être producteur de pouvoir aux mains de certains groupes de personnes qui maitrisent mieux certains de ces outils. Je pense que nous avons bien plus à gagner à permettre et surtout à valoriser la diversité des modes d’expression dans le plus de milieux possibles, dont les journaux étudiants.
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