Photo de Steve Hillebrand
La chronique L’UQAM sans filtre tente de restituer l’expérience universitaire de spécimens étudiants choisis plus ou moins au hasard avant d’être passés en entrevue. L’objectif est de comprendre le rapport que chacun entretient avec l’UQAM et de s’éloigner ainsi des représentations collectives stéréotypées. Aujourd’hui, c’est Thomas*, jeune étudiant en création littéraire, qui se livre à nous.
À l’écart de la vie étudiante
D’entrée de jeu, lorsqu’on lui demande quel type d’étudiant il est, Thomas se décrit comme quelqu’un de très peu impliqué. Il va à ses cours, puis il part. Entretemps, il n’essaie pas de socialiser avec les camarades ni de jaser avec le prof. Pourtant, il se livre à nous avec une bonhommie communicative.
Curieux d’apprendre, revenu à l’université pendant la pandémie pour se donner un « boost », il entretient avec l’intelligentsia uqamienne un rapport ambivalent. Par exemple, selon lui, il n’est pas le seul à trouver que les associations étudiantes sont menées par des personnes militantes trop « crinquées » par rapport à la moyenne. Cela rendrait l’engagement moins invitant pour des individus modérés comme lui. Quand il a intégré des équipes d’improvisation dans le passé, l’information circulait à savoir qu’il fallait y aller à fond ou ne pas tenter sa chance du tout. « La culture est trop forte. » Thomas fait le parallèle entre l’improvisation et les associations étudiantes, qu’il décrit comme « radicales ». Il a d’ailleurs fait des démarches dans le passé pour se soustraire à l’obligation de payer des frais d’association. Le seul service dont il se prévaut activement en dehors de ses cours, c’est le centre sportif, où il a recommencé à s’entraîner récemment.
Une plume à ne pas dompter
Le rapport ambivalent de Thomas à la culture uqamienne s’étend jusque dans ses cours de création où, malgré son intérêt pour leur contenu, il ne se sent pas du tout comme un poisson dans l’eau. Ennuyé « violemment » par ce que la plupart écrivent dans son atelier d’écriture, il sent un effort de « formatage » de la part de ses camarades un peu snobs : « “Ne fais pas de textes drôles, ne sois pas ironique, et tu apprendras à écrire pour de vrai.” C’est quoi ça, écrire pour de vrai ? » Il préférerait que les commentaires des autres capitalisent sur ce qu’il fait déjà — ses textes trempent dans l’ironie et l’humour, parfois grivois — plutôt que de le pousser vers un carcan littéraire auquel il ne correspond pas. Les camarades d’atelier lui font même un drôle de compliment en l’appelant le « cheval sauvage » : en d’autres mots, bien qu’il écrive n’importe quoi selon eux, il mériterait d’être dompté, parce qu’il a le potentiel de devenir le meilleur destrier de la classe. « Je veux pas être dompté, tabarnak ! »
Indépendant, mais bienveillant
La joyeuse insolence de Thomas pénètre aussi ses communications privées avec le personnel enseignant : il fera savoir abruptement à un prof par courriel s’il trouve injuste un résultat à une évaluation. En somme, on ne le verra pas devenir un ambassadeur modèle de l’université, le genre d’enfant de chœur impliqué dans des causes justes ici et là. Tout de même, le jeune homme sympathique observe avec bienveillance la vie intellectuelle et militante qui grouille à l’UQAM, malgré sa réticence à y participer. Il voit la gauche éclectique, désunie et trop peu censurée qui « s’autodévore » devant une droite monolithique et bien organisée : « On est toute une gang de névrosés qui réfléchissent trop. » Laisse-toi ce beau privilège que tu as de réfléchir, Thomas : ce n’est pas avec des think tanks de droite qu’on améliore le monde !
*prénom fictif pour protéger l’anonymat
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